Depuis toujours je multiplie les ruses
pour ne pas trahir mon absence à un monde
dont je n'ai jamais compris ni les affaires qui l'occupent
ni les plaisirs qui le reposent.
J'essaie parfois d'apprendre cette langue étrangère
que presque tous parlent.
Je n'y parviens que momentanément.
Ce sentiment du monde est très ancien.
Il vient sans doute de la petite enfance.
J'ai dû refuser d'apprendre quelque chose
qu'on ne peut plus apprendre par la suite.
J'ignore s'il s'agit d'une grâce ou d'une infirmité.
Je sais seulement qu'il m'est impossible de vivre
dans un monde auquel je ne crois pas.
Christian Bobin